Au moins, celui-là, il ne coulera pas.
Les films d'époque sont légion au Japon, et mettent surtout en avant l'ère Edo et son iconographie qui parle à tous ou l'ère Meiji et sa modernité pré-industrielle qui permet de faire tellement d'anachronisme dans les mystery dramas. Plus rares sont les œuvres relatant l'après-guerre, Asadora mis à part… Beaucoup moins vendeur, pour ceux qui l'ont vécu et cherchent à l'oublier, et cela, même en occident. On peut même se demander pourquoi les années 50 sont encore boudées aujourd'hui, alors que les années 60-70-80 ont régulièrement droit à une mise en avant esthétique et fantasmée. Période de transition entre les moments douloureux des années 40, look encore proche des années de guerre et génération de spectateurs voulant l'oublier. Beaucoup d'explications sont possibles pour comprendre la frilosité des producteurs à mettre en avant cette période de survie. Et puis soyons honnête, cette génération disparait petit à petit et la nostalgie de cette époque avec. La notion de préservation de la mémoire est haureusement au cœur du drama Umi ni Nemuru Diamond. Pour son époque, ses personnages aujourd'hui disparus et surtout son lieu, véritable héro de l'histoire qu'est l'ile d'Hashima. Celle-ci a été salement remise au gout du jour par James Bond et les influenceurs en mal de Porn Ruines, la présentant comme une île fantôme à l'esthétique postsoviétique. Comme tout morceau de charbon enfoui, elle est destinée à se transformer en diamant pour l'industrie du tourisme assoiffé de profit. À moins que sa période brillante ne soit justement celui montré dans la série.
Une île peut en cacher une autre
Il est clair que l'ile a gagné en notoriété et il était temps de raconter la "véritable" histoire de ce tout petit caillou proche de Nagasaki. Ville qui, on le rappelle, a subi la double peine : guerre/bombe atomique. La série se concentre sur la vie des castes des années 50-60 avec très peu de référence à ce qui s'est passé sur l'ile avant-guerre (déportation et bgne pour prisonniers corréens). Le montrer serait le reconnaitre. Et le gouvernement japonais n'y est toujours pas près en 2024. Qu'importe, ne boudons pas notre plaisir de découvrir la vie des ouvriers, des familles et des notables d'après-guerre. Cette île, qui pouvait compter jusqu'à 5 000 habitants sur la superficie d'à peine six terrains de foot, est un concentré du Japon de cette période. À l'époque où on ne se déplaçait pas d'un bout à l'autre du pays en quelques heures, on pouvait passer du cinéma à la mine en passant par le bain publique en quelques minutes. Tout en s'arrêtant, comble du luxe, à un stand pour déguster un kakigori. Les conditions de travail étaient certainement aussi horribles que dans les autres mines de charbon du pays. Dans le noir, la chaleur, l'humidité et le bruit toute la journée. Mais les facilités, qu'on ne trouvait presque pas ailleurs, devaient sûrement attirer les familles en quête d'une vie meilleures. Des premiers postes de télévision et frigo à l'électricité bon marché, la modernité surprend. Mais pas facile à la fin des années 50 de faire partie de ce microcosme, même pour rentrer comme mineurs. Car comme il est rappelé à chaque minute, ce village, fermé sur lui-même, forme une famille et ses propos résonnent avec le Japon moderne et ancien qui cherche toujours à séduire l'étranger sans vouloir l'accueillir définitivement.
Le cœur de l'océan
La mise en scène, comme les décors et costumes, sont excellents. Les réalisatrices et scénaristes de MIU 404 et Unnatural, Tsukahara Ayuko et Nogi Akiko, sont au sommet de leur art cinématographique. Sachant de surcroit que tout est faux. De l'histoire, narrée comme celle du Titanic de James Cameron (similitude voulue ?), aux décors et personnages. Très peu sont naturels et pour cause. L'ile est aujourd'hui dans un piètre état, ressemblant au chanteau dans le ciel de Miyazaki. La promiscuité à l'époque est exacerbée. Mais rien d'insurmontable pour un japonais. La zone la plus densément peuplé du pays dans ces année-là est même parfois trop calme. Mais là encore, la discrétion légendaire du japonais fait surement des merveilles. Ce calme permet de développer des histoires individuelles et de faire jouer ce qu'il se fait de mieux comme acteurs de toute génération. Tsukahara Ayuko qui endosse deux rôles sans que l'on remarque le même acteur. Sugisaka Hana qui renforcera encore ici son statut de petite fiancée des japonais. Saito Takumi sort son meilleur jeu (ce n'est pas toujours le cas) et ikeda Elaiza fascine en artiste des années folles autant que Tsuchiya Tao marque le respect pour sa piété. La jeunesse d'après-guerre est quasiment entièrement dépeinte dans des tableaux dignes des meilleurs films d'époque hollywoodiens. La religion, la mort, l'espérance, la famille, les enfants, tout est à la pointe. Bien sûr, trop de bons sentiments effraiera ceux qui cherchent de l'action et de la vérité. Mais j'ose à croire que certains faits sont bien réels. La vie moderne dépeinte dans les parties ce passant en 2018 donne bien trop le cafard. Guerre de famille, bar à hôtesses et solitude des grandes villes..., Malgré la difficulté de l'époque, c'est bien celle-ci que l'on voudrait re-vivre, surtout si on peut y entendre du King Gnu.
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